Évolution des psychothérapies

De tout temps et dans toutes les cultures, des modes de régulations psychiques ont existé ; depuis l’antiquité grecque, où Aristote considérait déjà le rêve comme un objet d’investigation psychologique, jusqu’à nos jours, de nombreux « psychothérapeutes » ont exercé leur profession. Leur mode d’action et leur titre ont varié : prêtres, moralistes, philosophes, médecins, guérisseurs… dans la civilisation occidentale ; ou chamans, marabouts, sorciers, gurus… dans d’autres cultures.

Que ce soit sous la forme d’une science, d’un art ou d’une pratique magique, une régulation intra-psychique (interne à la personne) et inter-psychique (entre les personnes) semble nécessaire à toute société. En général, cette dernière lui donne une forme d’organisation définie et désigne une personne pour remplir le rôle du « thérapeute ». Longtemps confondue avec la religion, ou avec la médecine et la psychiatrie, la psychothérapie est devenue une technique thérapeutique nouvelle et indépendante au XIXè siècle. On peut considérer Philippe Pinel (1745-1826) comme le précurseur de la psychothérapie moderne : il traite l’homme et non plus sa maladie ! C’est l’époque des premiers entretiens avec les patients : « L’essentiel du traitement consiste dans une conversation intime et quotidienne qui vaut mieux pour le malade que les douches ou le chloral… » Parallèlement et parfois en opposition à cette « psychothérapie morale », les travaux sur le magnétisme (Mesmer) et l’hypnose (Charcot) amènent une certaine technicité et rigueur à ces entretiens. L’hypnose, d’abord utilisée comme méthode de contre-suggestion aux idées « erronées » des malades, devient avec J. Breuer une méthode cathartique. En permettant que remontent des souvenirs traumatiques oubliés, elle se révèle efficace dans des cas d’hystérie. Cette technique intéresse beaucoup Sigmund Freud (1856-1939) qui – on le sait – en fait un développement extraordinaire en créant la psychanalyse. Cette nouvelle approche bouleverse toutes les conceptions de l’époque. Freud abandonne rapidement l’hypnose comme outil thérapeutique, mais garde de ses premières investigations, une place primordiale et dynamique à l’inconscient dans l’organisation du psychisme humain. À partir de cette première topique (conscient/inconscient) et au fil des années, il bâtit une théorie où le psychisme comprend trois nouvelles instances (Ça/Moi/Surmoi). Mais l’identification de ces lieux psychiques n’aurait pas fait de Freud un génie s’il n’avait montré le dynamisme qui les relie entre eux et les organise en fonction du développement libidinal. En fin de compte, c’est la manière dont l’individu investit sa libido sur l’autre qui définit sa structure psychique. D’où l’importance de la relation du patient à son analyste (transfert) et de l’analyste à son patient (contre-transfert) qui devient dans la théorie freudienne l’outil essentiel de la cure psychanalytique. D’autres, bien sûr, ont développé ses travaux, souvent en s’opposant à lui, voire en faisant scission, et ont marqué de leur empreinte la psychothérapie : C.-G. Jung (1875-1961) développe la « voie royale » (expression due à Freud) vers l’inconscient que sont les rêves nocturnes ; il élargit ainsi le travail sur les rêves en montrant que l’on peut accéder au contenu de l’inconscient non seulement personnel mais aussi collectif par les images archétypales du rêve. W. Reich (1897-1957) ouvre une perspective importante à la psychanalyse en montrant qu’on peut aussi atteindre l’inconscient à travers le corps. Il utilise le concept de « cuirasse caractérielle » pour décrire comment les muscles gardent la mémoire des événements passés et comment à travers eux on peut agir sur la névrose. De ses recherches vont naître dans les années 60 un mouvement de pensée faisant une large place au corps en thérapie. Vont ainsi se créer de nombreuses techniques psycho-corporelles, dont la Psychologie Biodynamique fondée par Gerda Boyesen. J. Lacan (1901-1981) revient à la source, c’est-à-dire à Freud. Pour lui l’inconscient est structuré comme un langage. La cure psychanalytique purement verbale est donc le seul véritable accès à l’inconscient dans les conceptions lacaniennes.

Mais la psychothérapie actuelle n’est pas seulement l’héritière de la psychanalyse ; d’autres courants venus d’autres sciences sociales comme la sociologie, la philosophie, l’ethnologie ou la cybernétique l’influencent profondément et sont encore de nos jours prometteurs de développements intéressants. Pour rester concis devant le foisonnement des méthodes, on peut citer quelques noms parmi ceux qui ont donné naissance aux courants les plus importants : K. Lewin (gestalt-théorie pour la dynamique de groupe), J. Moreno (sociométrie et psychodrame), C. Rogers (psychothérapie non directive), F. Perls (gestalt-thérapie) et G. Bateson (thérapie systémique).

Actuellement, le développement des sciences cognitives oblige à reprendre sur de nouvelles bases la question de l’inconscient. D’une part, un des résultats les mieux établis montre l’inexistence d’un (ou plusieurs) centre(s) organisateur(s) de la psyché. D’autre part, il faut tenir compte des relations complexes entre l’inconscient affectif et un inconscient cognitif pratiquement ignoré par les théories psychanalytiques.